Une hausse même légère du chiffre d’affaires sur un trimestre suffit à écarter l’existence de difficultés économiques ( Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-19.957)

Comment apprécier le sérieux des difficultés économiques dont se prévaut un employeur ?

Un arrêt rendu le 1er juin 2022 donne l’occasion à la Cour de cassation de se prononcer, pour la première fois, sur l’application des dispositions de l’article L. 1233-3 du Code du travail, tel que modifié par la loi « Travail » du 8 août 2016. ( Cass. soc., 1er juin 2022, n°20-19.957)

L’article L 1233-3 du Code du travail prévoit désormais qu’est susceptible de caractériser des difficultés économiques, entre autres, « une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires ». Celle-ci devant être constatée sur une durée déterminée, qui diffère selon la taille de l’entreprise, et s’appréciant « en comparaison avec la même période de l’année précédente ».

Concrètement, une baisse du CA est significative dès lors que sa durée est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à ;
  • 1 trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés ;
  • 2 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;
  • 3 trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;
  • 4 trimestres consécutifs pour une entreprise de 300 salariés et plus.

La Cour de cassation pose, dans son arrêt du 1er juin 2022, deux principes.

D’une part, la durée dune baisse significative du chiffre d’affaires s’apprécie en comparant le niveau du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat par rapport à celui de l’année précédente à la même période, et non celle de l’engagement de la procédure de licenciement.

D’autre part, une hausse même légère du chiffre d’affaires sur un trimestre suffit à écarter l’existence de difficultés économiques.

Au cas d’espèce, il s’agissait d’une entreprise employant plus de 300 salariés, qui avait mis en œuvre au second semestre 2017, une procédure de licenciement collectif en raison de difficultés économiques. Elle justifiait cette procédure par la baisse significative de son chiffre d’affaire sur 4 trimestres en 2016, par rapport aux 4 trimestres de 2015, ce que contestait une salariée, qui avait saisi les prud’hommes à cet effet.

La salariée faisait valoir qu’à la date de son licenciement, notifié le 2 juillet 2017, la condition d’une baisse sur 4 trimestres consécutifs n’est pas remplie dans la mesure où au premier trimestre 2017 le chiffre d’affaires de l’entreprise est remonté de 0,5 % par rapport au premier trimestre 2016.
Les juges d’appel avait donné gain de cause à l’employeur, en considérant que les difficultés économiques doivent s’apprécier au regard de l’évolution des indicateurs connus à la date de déclenchement de la procédure de licenciement, mais ont été censurés par la Cour de cassation.
Cette dernière rappel que d’une part, le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci, et d’autre part, la circonstance que le chiffre d’affaires du premier trimestre 2017 était en hausse par rapport à celui du premier trimestre de 2016, suffisait à écarter l’existence d’une difficulté économique au sens de l’article L 1233-3 du code du travail.
Share