Précisions sur les contours de la Transition collective, le nouvel outil de reconversion des salariés

Pour les salariés comme pour les employeurs, la reconversion professionnelle est un enjeu central des années 2020.

La « Transition collective », ou « Transco », est un outil permettant aux employeurs d’y faire face.

Pour le salarié, la reconversion est une solution face à un constat d’insatisfaction, largement partagé au sein de la population française[1]. Elle est ainsi envisagée pour : « remettre du sens » dans son activité[2]; assouvir une volonté d’augmenter ses revenus, de ne pas reprendre ses vieilles routines balayées par la crise sanitaire[3], ou encore une attirance pour les nouvelles formes d’activité indépendantes [4].

Du point de vue des employeurs, elle est envisagée pour faire face aux mutations de l’économie, laquelle est notamment confrontée au grand défi de l’intelligence artificielle, la « quatrième révolution industrielle », dont les effets sont accentués par la crise sanitaire[5] et impliquent des suppressions de postes[6], notamment consécutive à l’automatisation des tâches. De même, la prise de conscience écologique et le changement climatique pourraient / devraient entrainer des mutations importantes de l’économie et de l’emploi.

Cette convergence des besoins a amené le Gouvernement à expérimenter un nouveau dispositif, celui de la Transco, coconstruit avec les partenaires sociaux et mis en œuvre dans le cadre du Plan de relance face au Covid 19.

Sa vocation est de permettre aux salariés fragilisés de se reconvertir vers des « métiers porteurs localement » au moyen d’une formation longue et certifiante, et ainsi d’éviter un éventuel licenciement.

Le 8 avril 2021, le Ministère du Travail a mis en ligne un document « Question/réponse » venant préciser les contours de ce nouvel outil.

Juridiquement, la Transco est un dispositif adossé à la réglementation relative au CPF de Transition, ou « Projet de Transition Professionnelle » (PTP), lequel a été mis en place au 1er janvier 2019.

Pour rappel, le PTP est une modalité spécifique de mobilisation par le salarié de son Compte Personnel de Formation (CPF, ex Cif) en vue de changer de métier par une action de formation certifiante. Tout salarié justifiant de 2 ans d’ancienneté peut ainsi en formuler la demande, d’abord auprès de son employeur puis auprès d’une commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR), laquelle financera la formation, ses frais annexes et la rémunération du salarié en cas d’acceptation.

La « Transco » est l’équivalent du PTP, côté employeur. Il a été déployé sur l’ensemble du territoire à partir du 15 janvier 2021 et fera l’objet d’un investissement de 500 millions d’euros entre 2021 et 2022.

Elle consiste en un outil de formation de dimension collective, mis en œuvre par l’employeur après avoir identifié les emplois fragilisés au sein de l’entreprise dans le cadre d’un accord GEPP (Gestion des emplois et des parcours professionnels – ex GPEC), obligatoire dans les entreprises de plus 300 salariés.

Les entreprises de moins de 300 salariés peuvent élaborer un accord consistant en la simple formalisation de la liste des emplois fragilisés (des accords types existent). L’employeur peut solliciter l’appui technique de la DREETS (ex DIRECCTE depuis le 1er avril 2021) et de l’opérateur de compétence (OPCO) sur ce point avec des modalités variables de prise en charge financière selon la taille de l’entreprise.

Les salariés occupant un emploi fragilisé sont ensuite informés et bénéficient d’une réunion d’information collective, qui peut, dans certains cas de figure, concerner plusieurs employeurs en même temps (Groupe ou bassin d’emploi).

Leur participation à la Transco relève du volontariat et implique de satisfaire aux conditions d’éligibilité alignées sur le PTP

L’employeur aura ensuite 30 jours pour répondre à la demande du salarié, puis la CPIR/ Association de Transition professionnelle (ou « ATPro ») se prononcera sur la décision finale de prise en charge du projet de transition déposée par le salarié concerné, laquelle est susceptible de recours.

A noter enfin qu’une « Transco » peut être mis en œuvre par une entreprise qui envisage de mettre en place une réorganisation à travers un PSE, mais cette faculté disparait dès que la procédure d’information / consultation a été initiée.

  Transition Collective / Transco Projet de Transition Professionnelle /PTP
Qui est concerné ? L’employeur Le salarié
Qu’est-ce que c’est ? Outil collectif de formation à des fins de reconversion externes à l’entreprise Outil individuel de formation
Comment ça se passe ? Le salarié réintègre la société à l’issue du congé, sauf s’il a trouvé un nouvel employeur.

 

La Transco peut concerner plusieurs formations par salarié et être mise en œuvre de manière discontinue.

 

Sa durée maximale est en principe de 24 mois / 2400 heures.

 

Le contrat de travail est suspendu et le salarié réintègre la Société à l’issue du congé, sauf rupture.
Qui finance ? Le CPIR/ATPro et, dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’employeur finance un reste à charge dans les proportions suivantes :

–        Entre 300 et 1000 salariés : 25 %

–        Plus de 1000 salariés : 60 %

 

Les frais pris en charge sont les mêmes que pour le PTP.

Le CPF du salarié et le CPIR

 

Les frais pris en charge sont les suivants :

–        Frais pédagogiques

–        Frais de validation des compétences/ connaissances,

–        Frais annexes (transport, repas et hébergement)

–        Rémunération du salarié

 

Dans quel délai ? Pour faire sa demande de congé, le salarié doit respecter un délai de prévenance de 120 jours dès lors que la formation envisagée comporte une interruption continue d’au moins 6 mois, et un délai de prévenance de 60 jours si elle est d’une durée inférieure

 

L’employeur doit répondre dans un délai de 30 jours suivant la réception de la demande.

 

L’employeur a la possibilité de reporter le départ en formation :

–          au vu du nombre de salariés simultanément absents

–          ou si l’absence du salarié peut avoir des conséquences préjudiciables à la production et çà la marche de l’entreprise.

 

Un délai de carence entre 2 congés de transition professionnelle est prévu (6 mois minimum et 6 ans maximum)

 

NB : Ces délais peuvent être modifiés par accord.

Qui choisit la formation ? La formation doit concerner un métier dit « porteur », lesquels sont visés, de manière non exhaustive, par une liste du CREFOP. A défaut, la demande de prise en charge ne sera pas acceptée par la CPIR /ATPro, qui dispose d’un pour pouvoir d’appréciation en la matière.

 

Le PTP étant de droit, l’employeur ne peut le refuser (sauf si les conditions d’éligibilité ne sont pas respectées), mais uniquement le reporter en motivant sa décision. Il n’a ainsi par de droit de regard sur la formation envisagée.

C’est le salarié qui choisit :

–          la formation

–          l’organisme de formation

–          l’ATPro qui finance après mobilisation du CPF de formation

[1] J-I. Wong (1er mars 2016). « The french hate their offices, but Indians love theirs ». Quartz

[2] E. Nunes (19 janvier 2019 ). « Changer de métier pour donner du sens à sa vie ». Le Monde

[3] Sabiha Cimen (22 février 2021 ). « Work will never be the same ». New York Times
M. Haag (29 mars 2021). « Remote work is here to stay. Manhattan may never be the same ». New York Times

[4] S. Caulier (7 octobre 2020). « Reconversion professionnelle : le numérique élargit la voie ». Le Monde
M. Miller « Être indépendant et maître de son emploi du temps, un rêve de jeune diplômé ». Le Monde

[5] P. Montagnon et E. Braune (15 mars 2021). « L’intelligence artificielle, première gagnante du monde post – Covid ». Forbes

[6] C. Talbot (27 nov. 2019). « Accenture investit 1 milliard de dollars par an pour former massivement ». Le Monde