En principe, tout salarié dispose d’une liberté de choix de son domicile personnel et familiale.
Cette liberté de choix de son domicile découle du droit au respect du domicile, protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, et bien sûr reconnu par la Cour de cassation (12 janvier 1999, n°96-40.755).
Elle est d’autant plus importante que depuis la crise sanitaire de la covid 19, la pratique du télétravail s’est normalisée.
Globalement, les jeunes cadres ont tendance à privilégier les capitales régionales par rapport à Paris, espérant vivre entre deux villes pour maximiser leur qualité de vie (c’est à dire, bénéficier d’un cadre de vie moins urbain tout en conservant un niveau de salaire parisien).
Pour autant, il est préférable de recueillir l’accord de son employeur avant de déménager loin, et ce, même si l’on se sent capable de vivre entre deux villes éloignées »
C’est en tout cas la portée d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles, le 10 mars 2022.
Dans cette affaire, un Salarié avait décidé de déménager en Bretagne après avoir occupé pendant quatre ans le poste de responsable support technique au sein d’un établissement en région parisienne, avec une grande autonomie.
Lorsque son employeur découvrait ce déménagement non loin de Vannes, à 442 kilomètres, plus de 4 heures 30 en voiture, et 3 heures 30 en train, il décidait de le licencier après l’avoir sommé, sans succès, de se rapprocher de son lieu de travail.
Le salarié contestait son licenciement devant le Conseil des prud’hommes, qui donnait raison à l’employeur, ce qu’a donc confirmé la Cour d’appel de Versailles.
Les arguments de la Société ont ainsi été retenus : elle faisait valoir que la distance « excessive » entre le domicile du salarié et son lieu de travail comportait un risque pour sa santé et sa sécurité, ainsi que l’équilibre entre sa vie familiale et professionnelle, dont elle est la garante (article L 4121-1 du Code du travail) :
« Comme l’a pertinemment relevé le conseil de prud’hommes, cette distance excessive ne pouvait être acceptée par l’employeur compte tenu de son obligation de sécurité issue de l’article L.4121-1 du code du travail, mais également de celle incombant au salarié au titre de l’article L.4122-1 du même code. Les premiers juges ont également, à juste titre, rappelé que l’employeur est tenu de veiller au repos quotidien de son salarié et à l’équilibre entre sa vie familiale et sa vie professionnelle dans le cadre de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis. Alors que l’employeur justifie lui avoir demandé de régulariser sa situation pour le 30 mai 2019, M. P. a maintenu son domicile en Bretagne. »
Ainsi, la Cour d’appel de Versailles a rejeté les arguments du salarié, qui faisait pourtant valoir qu’il disposait d’une grande autonomie et passait moins de 17 % de son temps de travail au siège de l’entreprise, ou se trouvait la Direction du Support Technique et ses responsables.
Elle considère que le principe de préservation de la santé et de la sécurité du salarié, dont il est en charge autant que son employeur au titre du Code du travail, doit prévaloir sur sa liberté de choix de son domicile :
Enfin, aucune atteinte disproportionnée au libre choix du domicile personnel et familial au titre du droit au respect du domicile, protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, n’apparaît caractérisée compte tenu de l’obligation essentielle de préservation de la santé et de la sécurité du salarié.